Finale du 2ème Concours d’éloquence au tribunal de Grasse

Vendredi 20 mai 2022, les 3e2 se sont rendus à Grasse pour la finale du Concours d’éloquence organisée par le CDAD et le tribunal de Grasse. Ils étaient en concurrence avec des élèves du collège des Bréguières de Cagnes sur Mer.

Nathan A., Eloise B. et Meriem B. ont respectivement obtenu le premier, deuxième et troisième prix.

Félicitation à nos élèves pour cette performance !

Voici le texte présenté par le vainqueur !

Nathan Quand l’ignorance devient la norme, la vérité, quant à elle, devient péché.”

J’ai souvent entendu des gens se faire traiter de « sale intello ». Comme si réfléchir était une insulte, comme si détenir le savoir faisait de vous un intrus de la société !

Ainsi, peut-on se demander, à l’instar de Kateb Yacine, si lorsque l’ignorance devient la norme, la vérité, quant à elle, ne devient-elle pas péché ?

Alors, certes, dans le pays de Descartes, douter de tout est le sport national ! Mais ce doute doit conduire à la connaissance et non à l’ignorance.

Il est vrai, cependant, qu’être ignorant est une position bien plus confortable…

Ignorer, c’est ne pas savoir ; et lorsque l’on ne sait pas, on n’a pas à juger, pas à s’engager, pas à faire de choix !

Si je n’essaie pas de savoir la cause de ces hurlements d’enfant dans l’appartement d’à côté, je m’assure de ne pas prendre de mauvais coups. Seule ma conscience pourrait être ébranlée… Encore faudrait-il que j’ai une conscience !

Lorsque les médias et les réseaux sociaux m’abreuvent d’informations, dois-je toutes les prendre pour argent comptant ?

Faisons un petit voyage dans l’espace et le temps…

Nous sommes en 1933, en Allemagne ; il vient d’être créé un ministère de l’Education du Peuple et le la Propagande du Reich. Son but : contrôler le secteur culturel et les médias pour les mettre au service de l’idéologie nazie.

Ce ministère institutionnalisait l’ignorance et détruisait systématiquement tout autre source d’information, tout en menant la chasse à ceux qui revendiquaient le droit à dire la vérité.

La vérité peut être dangereuse pour les gouvernements et tous ceux qui détiennent une autorité quelconque.

Voyageons de nouveau… Florence, 1610.

Galilée confirme par ses observations astronomiques que la Terre tourne autour du Soleil.

Dire que la Terre n’est pas le centre de l’univers revient à aller à l’encontre de la doctrine de l’Eglise.

Galilée sera donc condamné à se taire et à ne plus tenter d’écrire la vérité.

  1. Nous voici dorénavant en France…

Nous sommes en 1871, notre Pays vient de subir une lourde défaite militaire à Sedan.

Pour les gouvernants français, il est important de réécrire l’Histoire grâce à un récit national qui soit fédérateur.

Ainsi va être créé le mythe de nos ancêtres les Gaulois, ces fiers guerriers moustachus qui avaient su s’opposer à l’empereur Jules César !

Or, justement, c’est un autre empereur, Guillaume 1er, qui vient d’infliger la défaite qui entraînera avec elle celle du Second Empire.

Cette fausse vérité va galvaniser les Français qui, la fleur au fusil, partirons en guerre en 1914 avec un esprit de revanche exacerbée.

Tenir un discours de vérité, à cette époque, à propos de ces supposés ancêtres communs, aurait été considéré comme une trahison à la Nation et intelligence avec l’ennemi.

Reste à savoir si l’ignorant n’est pas celui qui détient la vérité et le sachant, quant à lui, ne serait qu’un ignorant se berçant d’illusions…

Blaise Pascal écrivait : « Vérité en deçà des Pyrénées, mensonge au-delà ». Et la vérité est peut-être ailleurs, comme l’aurait dit si justement l’agent Scully…

Il n’en demeure pas moins que le discours de la vérité n’est pas celui communément entendu… Dès lors, il serait tentant de considérer les voix discordantes comme étant celles de la vérité.

En effet, le réel est parfois d’une telle complexité qu’il en devient irrationnel.

Raison pour laquelle certains se retranchent derrière des croyances et des vérités alternatives.

La croyance aux discours d’une frange de médias, aux thèses développées sur les réseaux sociaux, aux rumeurs complotistes, enflamme les foules qui y trouvent la vérité qu’elles souhaitaient entendre.

Cette situation est née d’un paradoxe. Plus on acquière de connaissances et donc de vérités, plus on s’aperçoit de l’étendue de ce que l’on ignore encore.

De ce fait, l’ignorance est condamnée à surpasser la vérité.

C’est pourquoi le sachant ne doit pas ignorer sa propre ignorance, il doit douter de lui, comme de toutes les vérités qu’il a acquises au risque de devenir lui-même un ignorant crédule.

C’est peut-être ce travail sur soi-même, cette remise en cause de ses propres vérités qui rebute la plupart des gens à essayer de toucher du doigt la vérité.

Être ignorant a, par ailleurs, un autre avantage : celui d’être conforme à la norme.

Endosser un habit d’ignorance, c’est être certain de répondre aux exigences de la mode intellectuelle du moment ; de ne pas être montré du doigt, de ne pas passer pour un excentrique de l’intellect.

A contrario, rechercher la vérité nous exclut du groupe.

Mais alors, vouloir apporter la vérité serait-il peine perdue ? Le sachant serait-il comme Prométhée apportant le feu aux Hommes, condamné à être châtier par ce nouvel Olympe que représente l’Opinion Publique ?

Déjà, dans le Jardin d’Eden, l’arbre de la connaissance du Bien est du Mal n’allait-il pas être la clé du péché originel ?

La vérité est depuis lors toujours pécheresse et l’ignorance domine les esprits.

Le discours que je viens de vous tenir est-il celui de la vérité ?

L’affirmer, c’est reconnaître que le public ici présent était dans l’ignorance… A moins, que celui qui affirme détenir la vérité, ici devant vous, ne soit en fait qu’un grand mystificateur !

 

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